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La maîtrise de la langue française

Marlène Guillou IA-IPR de lettres - Académie de Lille (Synthèse élaborée avec le concours des IA-IPR et des enseignants composant le groupe de personnes ressources « Socle Compétence 1 » de l’académie) juin 2011

 

L’importance de la maîtrise de la langue française

Lire, parler et écrire font partie des apprentissages fondamentaux dont l’école assume la responsabilité et dont l’acquisition est d’autant plus déterminante dans la réussite de l’élève que toutes les disciplines prennent appui sur la maîtrise de la langue franaise. Lorsque celle-ci est défaillante, c’est l’ensemble de la formation scolaire qui pâtit. Les élèves qui maîtrisent imparfaitement la langue maternelle rencontrent de graves difficultés pour traiter les informations et pour raisonner dans toutes les matières. En effet, dans toutes les disciplines, les élèves ont à rédiger des devoirs, à répondre à des questions oralement ou par écrit. Ils ont à comprendre la signification de consignes avant d’organiser à leur tour une réponse pertinente et structurée. Certes, traditionnellement, l’enseignement a été organisé selon le principe de la division des tâches : dans ce contexte, dans le second degré, le professeur de franais a pour fonction d’enseigner la lecture, l’écriture, le fonctionnement de la langue française. A ses collègues incombe la mission d’enseigner des savoirs et raisonnements spécifiques : histoire, géographie, mathématiques, sciences et vie de la terre, technologie etc. Ils délèguent au professeur de français la responsabilité des apprentissages fondamentaux qui constituent des préalables indispensables aux apprentissages qu’ils mènent eux-mêmes. Situation connue de tous, et qui a singulièrement marqué l’imaginaire des élèves, lesquels, pour répondre aux remarques concernant des erreurs linguistiques dans un devoir d’histoire ou de physique, se réfèrent encore bien souvent à l’excuse classique : « Mais madame/monsieur on n’est pas en français ! ». Or, même si la langue française est, ainsi que la littérature, l’objet d’un enseignement propre qui relève de la responsabilité du professeur de lettres, en pratique, l’emploi du français est l’affaire de tous. A l’école primaire, la polyvalence du professeur des écoles facilite la prise en compte de la langue dans toutes les disciplines. Cependant, cela reste encore trop souvent aléatoire. Or cette attention à la langue dans chaque domaine ou discipline doit faire l’objet d’un véritable travail didactique. 
 

La maîtrise du français est l’affaire de tous

La spécificité du cours de français est, entre autres, de faire réfléchir sur la langue, de faire apprendre le code, de faire comprendre les mécanismes de la langue dans les stratégies qui commandent les apprentissages de lecture, d’écriture, d’expression orale. Mais il est nécessaire de maintenir une vigilance raisonnée face aux problèmes linguistiques dans toutes les disciplines car le transfert n’est pas opéré de faon systématique par les élèves : l’attention portée aux problèmes de langue en cours de français ne se reporte pas forcément sur les autres cours. Il existe une double articulation entre activités langagières et construction des savoirs disciplinaires : par la diversité des situations langagières qu’elles proposent, les disciplines rendent possibles les apprentissages en lecture, en expression écrite et orale. Mais le rôle du langage est également essentiel dans la construction des savoirs et l’orthographe est une nécessité dans toute tâche d’écriture si l’on veut être compris et communiquer. 

Que peut-on travailler dans toutes les disciplines ?

Le lexique, la grammaire, la typologie des textes et les modes de raisonnement

Le lexique

Il s’agit en fait de distinguer différentes langues : la langue dont l’élève fait un usage privé, la langue de l’école, la langue des écrivains. Un élève est confronté tout au long de la journée à des discours très différents : discours commun d’un côté, discours professionnels de l’autre ; le problème est donc de l’aider à comprendre à quel moment les termes employés sont à comprendre dans un sens commun, à quel moment ils relèvent d’une acception disciplinaire précise et scientifique.

La langue de l’école se décline de surcroît en langages scolaires différents selon les disciplines ; en pratique, chaque enseignant fait un usage implicite des langues spécifiques, ce qui induit souvent des interprétations fautives pour l’élève. On constate en effet que l’usage de mots du vocabulaire courant dans des sens scolaires spécifiques, que l’emploi des mêmes mots avec des sens différents selon les disciplines sont une source de troubles et de confusions. Il est donc nécessaire d’entraîner l’élève à manipuler la langue scolaire dans toutes ses variantes, avec toutes ses subtilités au service des savoirs de chaque discipline.

Par exemple le mot milieu signifie, dans un emploi ordinaire, « au centre » (« la table se trouve au milieu de la cuisine ») ; mais il ne peut, en mathématiques, être utilisé à la place de « centre » pour désigner un point spécifique d’un cercle. D’autre part, l’élève sera confronté à d’autres significations scolaires du mot milieu : en biologie (milieu naturel), en français (un milieu social).

En ce qui concerne les mots « rares », définis et utilisés dans le contexte d’une discipline précise, il convient d’en évoquer l’origine étymologique et les autres emplois afin de permettre le transfert. Par exemple si le mot « atrophie » est découvert dans l’expression « atrophie des muscles » en cours de SVT, un élève risque de ne pas être capable d’en adapter la signification lorsqu’il sera suivi d’un autre complément de nom. On perçoit ainsi le danger de limiter la définition d’un mot au cadre d’une discipline afin de gagner du temps.

La grammaire

Les disciplines donnent une valeur sémantique différente à certains outils de la langue. Ainsi en est-il par exemple des déterminants. Si je raconte une histoire d’animaux en français, je présenterai un nouveau personnage à l’aide de l’article indéfini : « Il était une fois un jeune chat » ; lorsque je ferai à nouveau référence à ce personnage, j’emploierai un article défini qui l’identifie comme déjà connu de l’écrivain et du lecteur : « Un jour le jeune chat… ». En revanche, en SVT, l’article défini sert à généraliser l’animal et désigne l’espèce : « Le chat présente telles caractéristiques ».

Les modes de raisonnement

Les pratiques langagières sont inséparables des savoirs disciplinaires qu’elles structurent. Le langage n’a pas seulement pour fonction « d’exprimer » au sens propre (c.à.d. d’extérioriser) des idées mais il contribue à l’élaboration de la pensée. Utiliser l’oral pour construire un raisonnement permet de faire progresser une pensée par retouches et corrections, dans une démarche heuristique. Mettre en mots par écrit un processus permet d’objectiver une pensée, de la mettre à distance. La pratique de la parole et de l’écriture est une aide à la pensée en gestation. La recherche en didactique montre de mieux en mieux que écrire, parler aident à construire une notion. On ne sait d’ailleurs ce qui est premier dans les difficultés des élèves : la non appropriation de savoirs scientifiques ou la non maîtrise des outils de langue permettant d’assurer la cohérence et la cohésion textuelles. De fait les deux sont intimement liées. Il ne peut y avoir construction des savoirs sans la construction simultanée des discours qui permettent de dire ces savoirs.

On est donc amené à distinguer les pratiques langagières qui, à l’écrit comme à l’oral, relèvent de la recherche de celles qui relèvent de la communication.

La typologie des textes

Selon les disciplines, les mêmes thèmes seront abordés dans des formes textuelles différentes adaptées à des objectifs disciplinaires différents. Renons un exemple portant sur la description d’un paysage de l’Himalaya en géographie et en français (activité menée au collège Carnot à Lille) :

  • en géographie : les élèves travaillent à partir de plusieurs images ; ils répondent à des questions puis synthétisent leurs réponses. Décrire c’est mettre en mots une image, une représentation non verbale d’une quelconque réalité que l’on juge utile pour faire apprendre quelque chose de cette réalité aux élèves ; la description est un outil méthodologique utilisé dans le but de construire des connaissances. Le professeur apprend à écrire un texte codifié par la discipline : l’élève doit en particulier reproduire la succession de plans de l’image et utiliser un lexique spécifique.
  • en français : les élèves travaillent à partir d’un texte de Evelyne Brisou-Pellen Himalaya ou l’enfance d’un chef adapté du film d’Eric Valli ; ils ajoutent un paragraphe dans le livre en s’inspirant du style de l’écrivain, en cherchant à susciter l’admiration du lecteur. La production de texte relève de l’écriture d’invention.

L’écriture est objet d’apprentissage en français alors qu’elle est outil méthodologique en géographie. En géographie l’écrit est validé par sa fidélité au savoir institutionnel qu’il transmet ; en français par la pertinence au contexte générique et son adéquation à l’effet recherché.

De nouvelles pratiques

La caractéristique du socle est qu’il vise à conduire l’élève vers la maîtrise de compétences tissées de savoirs, de capacités et d’attitudes afin qu’il soit capable d’accomplir une tâche. L’esprit du socle suppose que l’on dépasse une vision de l’apprentissage comme seule transmission des savoirs, comme simple inculcation des connaissances, pour prendre en compte également les processus par lesquels l’élève apprend et se sert de ses savoirs. En effet les notions de savoirs et de compétences sont complémentaires : l’acquisition d’un savoir s’accompagne nécessairement de l’acquisition et de la mise en Ïuvre d’un ensemble de compétences intellectuelles ; l’évaluation des savoirs se réalise à travers des tâches complexes 
Il s’agit aussi de reconnaître que la transdisciplinarité préconisée par le socle ne met pas en question –et surtout pas en péril – les spécificités disciplinaires. Le temps consacré à l’exploration des usages de la langue sera compensé par une plus grande efficacité dans les apprentissages. Quant au français, il ne risque pas de sombrer dans une fonction ancillaire – beaucoup moins que lorsque les disciplines lui délèguent toute la responsabilité en matière linguistique- car son domaine propre lui reste à traiter, à savoir l’approche méta discursive du langage et surtout la prise en compte de sa dimension artistique et symbolique. 
Dans les pratiques, il est nécessaire de mettre en commun toutes les compétences des enseignants dans toutes les disciplines pour constituer des ressources, des points d’appui pour relever le défi pédagogique que constitue le socle. Cela suppose que les enseignants des différentes disciplines aient une connaissance minimale des caractéristiques dominantes des discours propres à leurs disciplines ; qu’ils permettent à leurs élèves de faire ces différentes expériences langagières et attirent leur attention sur les spécificités formelles utilisées. Cela suppose également que des temps de concertation afin de créer des outils de liaison et d’harmonisation soient prévus pour les équipes enseignantes. 

Marlène Guillou IA-IPR de lettres - Académie de Lille 
(Synthèse élaborée avec le concours des IA-IPR et des enseignants composant le groupe de personnes ressources « Socle Compétence 1 » de l’académie)
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