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Le discours explicatif

Arielle Noyère IUFM Nord Pas-de-Calais (2008)

 

Définition

“ Rendre clair, faire comprendre ce qui est ou paraît obscur ” (Le Robert)

Le discours explicatif (DE) répond à une question que se poserait le lecteur/l’interlocuteur : question en comment (moyens et manières de faire) ou en pourquoi (causes). Le discours explicatif vise à faire comprendre un processus, un phénomène, un événement ; il s’inscrit donc dans une situation de communication précise. L’explication peut avoir deux fonctions : faire comprendre, informer ou faire agir, inciter

 

Explication et enseignement/apprentissage

Savoir expliquer est une compétence essentielle, à la fois langagière et intellectuel.

Le DE est à la fois un objet d’enseignement au programme de français et un outil conceptuel utilisé dans toutes les disciplines. C’est une forme discursive difficile à circonscrire car elle est présente dans tous les genres de l’écrit et de l’oral, constamment convoquée et complémentaire des autres formes de discours.

Le travail sur le DE est en effet envisagé dans les programmes de français comme une transition entre d’une part la narration et la description et d’autre part l’argumentation

L’explication est sollicitée tant à l’oral qu’à l’écrit dans toutes les disciplines. L’enseignant, dans sa pratique quotidienne, informe, explique, argumente. L’élève quant à lui reformule, paraphrase des explications qui lui ont été données, ou bien construit lui-même des explications sur des savoirs nouveaux, sur des stratégies. En classe, l’explication doit combler le déficit de sens, lever l’implicite, mettre en question les fausses évidences, déconstruire des représentations pour leur en substituer de nouvelles.

Le DE est donc un moyen d’enseignement/apprentissage qu’il s’agit de travailler en tant qu’objet d’enseignement. Cependant, afin de ne pas figer cet objet et ne pas se limiter à une information métalinguistique sur le DE, il convient de mettre en place des situations de classe qui requiert l’usage du DE et permettent ainsi de développer le “ savoir expliquer ”.

 

Distinction genre/texte/discours

Ø  un texte : l’objet à lire est considéré du point de vue de sa construction, de son organisation rhétorique (le schéma narratif par exemple)

Ø  un discours : l’objet à lire est considéré du point de vue de son intention de communication, de sa fonction par rapport au destinataire (discours narratif, descriptif, explicatif, argumentatif); les 2 niveaux, texte et discours ne se superposent pas exactement: un texte narratif peut avoir une fonction argumentative.

Ø  un genre : c’est la forme que prend le discours; l’objet à lire est considéré du point de vue de ses formes concrètes (support, mise en page) de sa thématique, de son mode d’énonciation  c’est la société qui constitue les genres de façon empirique (genres littéraires et non-littéraires)

 

Discours explicatif et genres

Les situations d’apprentissage mises en place articuleront le DE et les genres qui recourent à l’explication. Comment le DE se réalise-t-il en fonction du genre dans lequel il s’inscrit ?

·       dans les genres non-littéraires :

dictionnaires, encyclopédies, manuels, documentaires, presse : l’explication vise à faire comprendre pour informer, transmettre un savoir mode d’emploi, recette, notice, itinéraire, règlement : l’explication vise à faire comprendre pour faire agir le discours scientifique est plus que tout autre en relation privilégiée avec l’explication l’image sous toutes ses formes est souvent associée au discours explicatif dans ces genres d’écrits

·       dans les textes littéraires, les oeuvres de fiction :

l’explication vise à poser le monde de référence, elle est mêlée à la description. Dans les récits  naturalistes par exemple l’explication a une valeur démonstrative.  dans un discours narratif ; elle contribue à créer l’effet de réel ou à crédibiliser le récit (science-fiction : La Nuit des Temps par exemple) ; dans le théâtre classique, la scène d’exposition est descriptive et explicative ; dans les récits fantastiques qui ne choisissent pas entre explication réaliste et explication surnaturelle (jeu sur une vraie/fausse explication), la fin est ouverte car l’explication est suspendue. l’explication a une fonction argumentative lorsqu’elle apporte une justification, une preuve, dans les récits historiques, les romans policiers. Le roman policier repose sur une explication différée jusque dans les dernières pages.

·       dans une situation de communication orale, réelle ou simulée  :

l’explication peut se présenter sous la forme d’un dialogue (interview, théâtre, dialogue romanesque) ; l’explication intervient alors dans un échange verbal pour lever un obstacle dû à la mauvaise compréhension de l’un ou l’autre interlocuteur ; le discours explicatif est alors objectif et se distingue de l’argumentation ; il forme une “ boucle explicative ”, une parenthèse dans l’interaction verbale.

 

Explication et narration (voir Pratiques n°58)

La cohérence d’un texte narratif tient au fait que tout est sous-tendu par une explication : logique des personnages et enchaînements logique des faits. Tout univers, réaliste ou non-réaliste, créé par le langage dans un récit a une logique, une cohérence interne, une explication. Paradoxalement, si cet univers est explicable, tout n’est pas expliqué : rôle du lecteur

Un roman intègre souvent des parenthèses explicatives qui ont pour fonction d’informer à la fois le lecteur et les personnages , comme dans les scènes d’exposition au théâtre. Ces séquences explicatives répondent à la question : quels événements ont conduit à la situation présente ? Elles constituent des pauses dans le récit et peuvent donc être travaillées dans le cadre d’une séquence sur le rythme du récit.

Les explications peuvent également constituer des commentaires du narrateur : elles expriment alors un point de vue, elles ne sont pas objectives.

On peut travailler les questions suivantes : qui explique à qui ? qu’est-ce qui provoque l’explication / quel est l’obstacle à la compréhension ? quels sont les objets d’explication ? quels peuvent être les enjeux de l’explication ? quelles sont les marques linguistiques du passage à l’explication ? quelles sont les caractéristiques du DE ?

Travailler l’explication dans un roman suppose qu’on s’intéresse aux situations de communication mises en place dans ce roman.

Dans le roman policier, l’explication finale du détective apporte la résolution de l’énigme au lecteur mais également aux autres personnages : l’explication est généralement mise en scène pour ne pas être plaquée artificiellement sur le récit.

Un récit peut avoir une fonction explicative : c’est le cas des romans didactiques (Jules verne), des récits de vulgarisation scientifique destinés aux enfants.

 

Explication et argumentation

·       L’explication peut être un outil au service de l’argumentation :

·       justifier un point de vue, présenter un argument abstrait, c’est expliquer, développer une causalité, une relation logique

·       présenter un fait ayant valeur d’argument concret amène une explication qui mette en relation ce fait avec la thèse défendue

·       expliquer un fait ignoré du destinataire pour le dissuader de faire quelque chose.

·       L’explication est donc un acte indirect d’argumentation ; dans cette mesure, le DE doit toujours être envisagé dans le cadre d’un échange communicationnel. Celui qui explique dans le cadre d’un échange argumentatif se donne comme objectif de changer l’univers de croyance de son interlocuteur. L’explication sera d’autant plus convaincante qu’elle apparaîtra objective., c’est-à-dire se référant à une vérité établie, alors que le discours argumentatif se réfère au domaine de l’opinion, de la conviction. Les boucles explicatives introduisent la démonstration dans l’argumentation.

 

Explication et description

Ces deux formes discursives sont très souvent liées et complémentaires, en particulier dans les genres scientifiques. La description pose l’objet mis en jeu dans l’explication.

La description répond à la question “ comment ? ” : elle montre pour faire comprendre, elle a une fonction explicative. L’explication répond à la question “ pourquoi ? ”

 

Explication et image

L’image illustre le texte : elle est redondante ou complémentaire, ou bien elle se substitue au texte. La légende explique l’image. Le schéma utilise des symboles.

 

Enonciation

Le discours explicatif suppose, de la part de celui qui explique, un savoir sur l’objet expliqué et sur le rapport de l’autre à l’objet.

L’énonciation se veut neutre et objective : l’énonciateur s’efface derrière le ON dans les textes scientifiques, les documentaires, les essais. énonciateur passe à l’arrière-plan, le contenu de l’explication et le destinataire sont au 1°plan.

 Dans les séquences explicatives insérées dans les récits, l’énonciation est souvent prise en charge par un personnage, à la 1° personne ; on y retrouve les marques de l’objectivité. Le destinataire peut être présent dans le discours .

Le discours explicatif informe pour faire comprendre ou pour faire agir.

Il vise à transformer le savoir du destinataire.

L’énonciateur est donc une personne informée, qui connaît bien le sujet. La prise en compte du destinataire oblige l’énonciateur à se distancier, à se demander ce qu’il faut dire à l’autre pour éclairer ce qui pose problème. Le vocabulaire, la syntaxe, le registre de langue, le ton, diffèrent selon le destinataire, son âge, sa culture, sa nationalité, son expérience.

Le discours explicatif suppose un minimum de connaissances partagées entre l’énonciateur et le destinataire ; il convient, dans l’analyse, d’évaluer la part de ces connaissances partagées.

 

Organisation du texte explicatif

Le déroulement chronologique des faits expliqués est impérativement respecté.

Les différentes étapes de l’explication s’enchaînent de façon logique. L’explication articule les faits et les causes .

On distingue l’explication factuelle qui se réfère à la chronologie (“ le sol est mouillé parce qu’il a plu ”) de l’explication argumentative qui se réfère à la logique, au raisonnement (“ il a plu puisque le sol est mouillé ”).

Les informations sont sélectionnées dans un but de clarté et d’efficacité. Les informations sont hiérarchisées : infos principales / secondaires (la hiérarchisation peut être soulignée par la mise en page)

Organisation textuelle en 3 étapes : questionnement initial (ou problématisation : quel est l’obstacle cognitif ?), déroulement de l’explication (réponse à la question ou résolution du problème) , conclusion

 

Procédés d’écriture

·       temps verbal : présent de vérité générale dans les textes de type documentaire

·       vocabulaire technique, précis (on travaillera l’étymologie), termes génériques ; néologismes (SF) ; champ lexical du domaine de connaissance évoqué ; verbes d’état,

·       voix passive ; voix pronominale (le fait occupe la position de sujet)

·       formes verbales impersonnelles (“ il est établi que.. ”) ;

·       définitions ; paraphrases ; nominalisations

·       progression thématique de type linéaire ou éclaté

·       présentatifs (c’est, voici)

·       phrases interrogatives et interro-négatives (fausses questions)

·       phrases juxtaposées ; phrases complexes qui énoncent des hypothèses et exposent les causes et les conséquences ;

·       connecteurs temporels, spatiaux et logiques

·       les propositions subordonnées relatives et les appositions qui apportent des précisions (distinguer relatives déterminative et appositive) ;

·       propositions participiales à valeur causale

·       références à des expériences, à des exemples ayant valeur de preuves, à des faits ou des personnes faisant autorité ; citations

·       figures de style : la comparaison, la métaphore, le syllogisme

·       mise en page : différents caractères typographiques, paragraphes, numérotation, inter-titres, couleurs, images ; notes ; parenthèses

 

 

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