L'action COM'ENS (communiquer ensemble)
1. Résumé
Le lien étroit existant entre le développement du langage oral avant six ans et les capacités d'apprentissage de l'écrit à l'école élémentaire n'est plus à démontrer. Ringard (2000), dans son rapport sur "l'enfant dysphasique et l'enfant dyslexique", souligne l'importance de la maîtrise du langage comme élément de réussite scolaire, d'intégration sociale et d'insertion professionnelle. Les programmes de l'Education Nationale vont dans ce sens et privilégient, à l'école maternelle, les activités langagières.
Cependant, certains enfants rencontrent, dès le plus jeune âge, des difficultés dans l'acquisition de leur langue maternelle. Ces difficultés, de sévérités variables, peuvent avoir des origines multiples et parfois cumulées. Certains enfants qui présentent un retard avéré ou un véritable trouble, relèvent de bilans et de rééducations spécifiques, d'autres, que nous qualifions de "fragiles", d'aides ciblées, proposées à l'école maternelle.
Notre action s'inscrit dans une démarche de prévention. Elle vise à repérer dès la classe de moyenne section de maternelle les enfants présentant des difficultés développementales, à orienter ceux qui en relèvent vers les bilans et les rééducations utiles, à apporter aux enfants "fragiles" des stimulations langagières à l'école, dans un partenariat entre enseignants et orthophonistes et en impliquant les parents.
Cette action, menée depuis 2001 dans le département du Nord, renforce notre idée que ce partenariat permet de repérer précocément les difficultés de certains enfants et apporte une réponse aux difficultés des enfants "fragiles", en particulier dans certaines zones dites "sensibles".
Mots clés : Orthophonie- Langage oral- Prévention - Partenariat enseignants- Pédagogie adaptée
2. Contexte théorique
L'entrée à l'école maternelle constitue une étape importante dans la vie de l'enfant. Après son foyer, l'école devient un autre lieu de vie où l'enfant poursuit la construction de son identité et de son langage. Il façonne sa langue par le modèle que lui donne l'adulte mais aussi par ses propres stratégies de tâtonnements, d'essais/erreurs, à visée de généralisation sémantique et morpho syntaxique. A l'école, il est incité par des échanges verbaux à développer les différentes fonctions du langage, à construire un langage informatif, à être attentif aux aspects formels de la langue, à en acquérir les structures et les fonctionnements. Il acquiert ainsi le langage indispensable à l'élaboration de nouveaux processus de communication et de conceptualisation.
Certains enfants rencontrent des difficultés pour acquérir leur langue maternelle et risquent de s'engager sur la voie de l'échec scolaire. 1 % d'entre eux environ présentent des troubles spécifiques d'apprentissages, appelés dysphasies, plus ou moins sévères, d'origine structurelle, 10 % ont des troubles fonctionnels, qualifiés de retards, plus ou moins réversibles, en particulier selon le domaine langagier atteint et l'origine de ce retard.
Il semble que les éléments langagiers les plus prédictifs de difficultés ultérieures d'apprentissages scolaires soient les troubles du langage et plus particulièrement les difficultés de compréhension et celles d'accès à la morphosyntaxe repérables dès 3 ans 1/2 (Le Normand, 1995).
L'origine de ces troubles ou retards est variable. Ils peuvent être liés à un dysfonctionnement sensoriel, moteur, neuropsychologique, à l'immaturité de l'enfant et/ou à son environnement. On sait en effet que le développement global de l'enfant, et celui de son langage en particulier, est le résultat de l'interaction entre ses capacités potentielles et l'influence de son environnement. Si l'environnement n'apporte pas les stimulations adéquates, c'est toute la personnalité de l'enfant qui risque d'en pâtir : inhibition ou instabilité, problèmes émotionnels et bien sûr retard de langage et difficultés de communication.
Il paraît essentiel d'apporter, à chacun de ces enfants en difficulté, les aides pédagogiques et éventuellement rééducatives adaptées, le plus précocement possible, pour leur permettre d'exprimer leurs potentialités et leur éviter l'échec scolaire. C'est d'ailleurs la proposition de Ringard (2000) et celle du plan d'action de Lang et Kouchner (2001) qui insistent sur l'importance du langage de l'enfant et de la mise en place de partenariats visant à apporter les aides nécessaires aux enfants repérés en difficulté.
Mais il faut d’emblée noter que la pédagogie de la langue orale, si elle est généralement clairement affichée comme priorité, y compris au plus proche du terrain, demeure tant du point de vue de la réflexion théorique que des compétences professionnelles des enseignants, un domaine à développer, à conforter.
3. Problématique et objectifs
A l’école maternelle, 3 populations d’enfants peuvent être repérées. Les enfants dont le développement du langage oral est harmonieux, ceux qui présentent un déficit ou un trouble et qui relèvent d’un dépistage précoce, de rééducations spécifiques et d’une pédagogie différenciée et enfin ceux que nous appellerons «fragiles» : leur langage est restreint, tant sur le plan lexical que syntaxique et il ne correspond pas au "langage de l'école". Ils sont nombreux dans certains secteurs géographiques, dans certaines zones dites "sensibles". Ceux-là ne relèvent pas de rééducations mais sont menacés par l’échec scolaire si l’école ne leur apporte pas les stimulations indispensables à un développement harmonieux.
Il devient alors essentiel de repérer le plus vite possible les difficultés de certains enfants, leur sévérité et leurs origines afin d’apporter à l’école les pédagogies adaptées et de développer des partenariats entre tous les professionnels concernés, en impliquant les parents.
4. Recherche-action (2001-2004) : dépistage, suivi et évaluation
De 2001 à 2004, une recherche-action se développe dans le cadre du Programme Région Santé (PRS) de la région Nord-Pas-de-Calais. (Crunelle et ARREO 2006). Elle fait suite à un colloque de l'institut d'orthophonie de Lille réunissant 600 personnes de tous horizons sur le thème de la prévention de l'illettrisme, problème crucial dans la région Nord. Afin de dépasser le stade du constat, une commission de réflexion se forme pour développer le partenariat des orthophonistes avec les membres de l'éducation nationale au sens large : enseignants de classe, membres du Rased, médecins de santé scolaire. Les postulats de départ sont que le niveau de langage oral est déterminant pour les apprentissages écrits et l'ensemble des apprentissages scolaires et qu’à niveau initial égal, les enfants évoluent différemment selon la qualité des stimulations qu'ils reçoivent de leur famille, puis de l'école.
Il paraît alors nécessaire de prévenir en créant une action de stimulation du langage oral qui renforcerait l’apport environnemental et compenserait un déficit initial ou une carence précoce.
L'objectif, à partir de 2001, est de repérer, dès la moyenne section de maternelle, les enfants présentant des fragilités dans leur développement langagier, de leur apporter jusqu'au cours préparatoire, au sein de l'école, une aide par des séances de stimulation langagière menée en partenariat par des enseignants et des orthophonistes et en impliquant les parents, et d’orienter vers des bilans complémentaires et éventuellement vers des rééducations ceux pour lesquels ils sont jugés utiles.
Suite à une démarche de dépistage menée par des orthophonistes en partenariat avec les enseignants et concernant 500 enfants de moyenne section issus de 16 écoles maternelles situées en zone sensible, trois groupes sont constitués. Le groupe 1 qui réunit les enfants avec un développement harmonieux du langage (55,86 %), le groupe 2 qui réunit les enfants ""fragiles" (23,83 %) et le groupe 3 qui réunit les enfants avec des troubles ou retards avérés (20,31 %). Soit le pourcentage inquiétant de 44,14 % d'enfants à risques de difficultés scolaires.
Parmi les 16 écoles maternelles repérées, 8 écoles maintiennent leurs actions traditionnelles autour du langage et 8 écoles proposent, pour les enfants repérés en difficulté ainsi que ceux considérés comme «fragiles», des séances de stimulation langagière dans le cadre scolaire et en partenariat avec les orthophonistes.
Après deux ans de travail, un bilan d'évolution est réalisé pour les 500 enfants concernés par le dépistage initial, comparant l'évolution des enfants des écoles ayant bénéficié de ce suivi (8 classes) à celle des enfants des écoles sans stimulation langagière de ce mode (8 autres classes) (article ).
Le ressenti des professionnels est très positif. Ils estiment avoir eu des éclairages différents et complémentaires sur les enfants et des échanges très enrichissants.
Le comportement des enfants suivis s'est aussi nettement amélioré avec un meilleur respect du tour de rôle et de parole, un langage qui apparaît mieux structuré et plus informatif, une augmentation des capacités d’écoute et un enrichissement du lexique et de la syntaxe. Les enfants inhibés entrent dans la communication et les enfants instables sont plus attentifs.
Une évaluation objective vient compléter ce ressenti. Parmi les principaux résultats, on constate
- que tous les enfants "fragiles" des groupes de stimulation ont plus progressé que les enfants "fragiles" des autres écoles pour la variable morphosyntaxique
- que dans les écoles où les stimulations langagières ont été menées, même les enfants ne participant pas directement aux séances ont progressé alors que leurs homologues dans les écoles sans stimulation langagière de ce mode n’ont pas effectué les mêmes progrès. Ce constat surprenant est peut-être dû à un effet Pygmalion ainsi qu’à des modifications des pratiques pédagogiques au sein de tout le groupe classe.
La poursuite de l’action est décidée pour quelques enfants déjà suivis en maternelle et présentant encore des difficultés à l'oral en CP.
Deux ans plus tard, une évaluation de l’impact de cette action sur l’apprentissage de l’écrit, est réalisée à partir des évaluations nationales de CE2.
Les enfants "à risque" de difficultés d’apprentissage qui ont bénéficié des séances de stimulation langagière de l’action ont pour 75 % d’entre eux atteint le CE2 (pourcentage nettement plus important que les années antérieures).
Leurs scores aux évaluations nationales de CE2 restent globalement inférieurs à ceux des enfants dont le développement de langage était harmonieux, sauf pour ceux dont le suivi à l’oral a été prolongé au CP.
Les compétences fondamentales attendues en CE2 sont atteintes par 80 % des enfants qui ont participé aux séances de stimulation langagière. Il n’y a donc pas eu nécessité de leur proposer une aide particulière à l’école ce qui a impliqué moins d’indications de suivis par les enseignants spécialisés de Rased que les années précédentes.
5. Action COM'ENS
5.1 Formation Com'ens
Au vu de ces résultats, en 2004, il nous paraît important que cette action initiale de recherche, puisse continuer et surtout s'élargir en ciblant plus spécifiquement les zones sensibles (REP…).
Un dispositif original est alors installé à partir de 2004, en organisant une formation commune des professionnels concernés (santé, éducation nationale) dans une perspective de création d’équipes ressources afin de permettre le développement de ces actions de stimulation langagière dans d’autres circonscriptions. Cette formation est nommée COM'ENS : Communiquer Ensemble.
Cette formation est de 72 heures, réparties sur l’année en 6 sessions de 2 jours alternant apports théoriques et découverte d’outils, en relation avec une problématique mise en pratique sur le terrain. Pour les enseignants, cette formation entre dans le plan de la formation continue ; pour les orthophonistes, une somme compensant la fermeture du cabinet pendant les temps de formation est le plus souvent attribuée.
Cette formation, dans sa forme, dans son volume horaire et dans la multiplicité des professionnels qui y participent est un dispositif lourd à installer mais riche de rencontres et de croisements de compétences. Elle est dynamique et évolue à partir des échanges qui se réalisent au cours de chaque session.
5.2 Constitution des groupes de stimulation langagière
La sélection des enfants pouvant relever des séances de stimulations langagières est une première démarche importante. Elle est difficile et ce, pour plusieurs raisons :
- Les cultures d'évaluation : les enseignants et les orthophonistes utilisent des démarches très différentes. La pratique de l'évaluation individuelle de l'enfant par les orthophonistes s'oppose à la pratique d'évaluation collective des élèves dans le groupe classe.
- Les outils d'évaluation : les professionnels de l'Education Nationale possèdent de nombreux outils d'évaluation mais sans étalonnage validé dans le domaine du langage. Les orthophonistes utilisent des outils de dépistage qui offrent les avantages d'un étalonnage mais dont la passation leur est réservée.
- Les domaines d'évaluation : au-delà des aspects communicationnels, les enseignants centrent surtout leur évaluation du langage sur les aspects articulatoire, phonologique et lexical, les orthophonistes se soucient plus des aspects pragmatique et morphosyntaxique.
Pour constituer les groupes, nous avons tout d'abord essayé de croiser les observations des enseignants avec les résultats des enfants au PER 2000 de Pierre Ferrand, proposé par les orthophonistes. Devant la lourdeur de cette démarche, nous avons vite ressenti le besoin d'un instrument de dépistage utilisable par l'ensemble des acteurs susceptibles d'agir efficacement dans ce dépistage précoce. En 2007, nous avons alors créé un nouvel outil permettant l'Evaluation des Compétences Langagières des enfants de 3 ans 6 mois à 6 ans 6 mois dans les domaines de la communication, de la compréhension et de l’expression dans ses aspects syntaxique et morphosyntaxique (ECLA).
C'est actuellement cet outil qui est utilisé dans toutes les classes impliquées dans l'action COM'ENS. Il ne se veut en aucun cas outil diagnostic, mais outil de dépistage. Il permet de repérer les trois populations évoquées, d'orienter les enfants qui semblent présenter un retard patent ou un trouble vers les bilans et rééducations jugés utiles, et de proposer les groupes de stimulations langagières aux enfants "fragiles".
5.3 Les groupes de stimulation langagière : dispositif COM'ENS
Dans chaque école concernée par le dispositif COM'ENS sont organisées des séances de stimulations langagières dans le cadre de petits groupes de 6 ou 7 enfants "fragiles", en dehors du groupe-classe à raison d’une séance de 45 minutes par quinzaine et en présence de 3 adultes : l’enseignant de la classe, un enseignant spécialisé du Rased et un orthophoniste. Un adulte mène l’activité, un autre canalise et régule le groupe et le troisième observe et prend des notes. Chaque adulte change de rôle au fil des séances.
Ces séances s’articulent autour d’un album illustré qui incite les enfants à réaliser des commentaires à partir des illustrations, tout en étant soutenus par des feed-back de la part des adultes, et des activités périphériques variées qui visent le développement des compétences indispensables à la construction du langage. Les séances sont suivies d’un temps de synthèse de 45 minutes entre adultes.
Bien sûr, le fait que, dans ce dispositif, la présence de l’enseignant de la classe soit envisagée comme indispensable pose le problème de l’encadrement des autres enfants de la classe pendant ce temps là ; ce projet de classe ne peut se concevoir qu'inscrit dans le projet d'école et exige l'implication des autres enseignants.
5.4 Evolution des pratiques, approfondissement des recherches
Au fur et à mesure des séances et des rencontres se sont posées de multiples questions, évoquées, travaillées lors des sessions de formation puis par des équipes pluridisciplinaires intégrant des étudiants en orthophonie :
- Quels albums choisir pour s'intégrer au mieux aux caractéristiques des enfants ?
- Quelle disposition spatiale privilégier pour faciliter communication et langage ? Comment installer enfants et adultes ?
- Comment répartir les rôles des adultes ?
- Quels types de questions privilégier pour amener chaque enfant à s'engager dans la communication et à développer son langage ? Questions fermées, questions ouvertes…
- Quels feed-back leur donner ? Faut-il se taire, accuser réception du message, reformuler en modèle offert, relancer la communication ?
- Comment fixer des objectifs clairs pour chaque enfant : inciter à parler, à s'exprimer dans un groupe ou apprendre à se taire pour respecter les tours de parole ? Est-il plus important de parler beaucoup ou de parler bien ? Faut-il faire avancer le thème de l'échange ou sa forme ?
- Quelles réactions avoir lorsqu'un enfant utilise des mots familiers ou patois tels que ceux utilisés par ses parents à la maison ?
- Quelles activités périphériques proposer après l'album ?
De nouveaux savoir-faire et savoir-être se sont développés en enrichissant les pratiques professionnelles de chacun. Des outils ont été élaborés comme une grille d’analyse et de sélection des albums adaptés aux séances, des banques de données d’activités périphériques, des entraînements pratiques aux feed-back, des livrets d’évolution, des cahiers d’histoires à partager avec les parents…
5.5 L'implication des parents
Cahiers d'histoires à partager avec les parents …
Cette réflexion s'inscrit dans un objectif plus large et fondamental de ce dispositif : l'implication parentale.
Les enfants "fragiles" visés par cette action ne reçoivent pas toujours, à la maison, les stimulations nécessaires à un développement harmonieux. Si l'aide qui peut leur être apportée à l'école est essentielle, l'implication de leurs parents l'est plus encore.
Comment présenter l’action aux familles ? Quels types de rencontres leur proposer ? Comment les inviter à participer aux séances ? Quels rôles leur proposer entre observateurs et acteurs ? Quelle place leur proposer, entre être assis à proximité du groupe ou à côté de leur enfant ? Quelle mission leur confier ?
Les nombreuses initiatives prises, au sein de chaque école ont mené à des implications parentales multiples oscillant de la participation à la coopération tout en visant l’objectif ultérieur de partenariat qui impliquerait une mise en commun des informations, des responsabilités, des compétences et des décisions.
Le plus fréquemment, les parents ont d’abord été observateurs lors des premières séances puis sont devenus facilitateurs pour leurs enfants, profitant des modèles de savoir-être offerts par les professionnels. Parfois, ils ont pu aider d’autres enfants quand l’opportunité s'est présentée à eux. La plupart se sont sentis confortés dans leur rôle parental en étant conviés aux entretiens après les séances, se mêlant aux professionnels concernés par leur enfant.
Bien sûr, tous les parents n'ont pas participé autant que nous l'aurions souhaité, mais certaines familles se sont impliquées, ont su s'approprier de nouveaux savoir-faire avec leurs enfants et se sont senties reconnues dans leurs compétences. Avec elles, l'objectif essentiel de notre démarche était atteint.
5.6 Le partenariat : réalité ou utopie, rivalité ou enrichissement ?
Chaque fois que de nouvelles équipes se sont constituées, nous avons constaté certaines difficultés, certaines réserves reproductibles d'un groupe à l'autre :
-Que viennent faire les orthophonistes à l'école ? Remettent- ils en cause les compétences des enseignants ? N'ont-ils pas un objectif clientéliste ?
-Que connaissent les enseignants aux difficultés de langage ? Pourquoi autant d'enfants en difficulté dans cette école ? …
Ces questions, qui révèlent certainement des peurs de perte d'identité professionnelle, tombent vite, au fil des rencontres tant entre professionnels qu'avec les enfants. Peu à peu se créent de vraies équipes, les partenaires se respectent, échangent, s'enrichissent mutuellement.
Ces évolutions prouvent, s'il en est besoin, combien il est important que les professionnels impliqués dans le développement de l'enfant puissent se rencontrer, mutualiser des connaissances de base, travailler en collaboration dans le respect des spécificités de chacun.
5.7 Le devenir de l’Action Com’Ens
Les partenariats impliqués dans cette action sont unanimement favorables à sa poursuite, voire à son élargissement. Nous nous heurtons cependant à un certain nombre de problèmes qui nous inquiètent quant à la pérennisation de notre action :
- La suppression des budgets initialement accordés qui limitent notre champ d’action aux zones bénéficiant d’un Dispositif de réussite éducative.
- La crainte que ces dispositifs ne soient pas reconduits.
- La diminution du nombre d’enseignants spécialisés.
Nous avons déjà été amenés à faire des choix difficiles liés en particulier aux manques de moyens humains.
En effet, les équipes constituées dans les écoles perçoivent vite qu’elles ne peuvent à la fois renouveler les groupes chaque année scolaire et pérenniser l’action dans la durée pour les enfants les plus fragiles.
Se pose donc un dilemme fondamental : limiter l’action dans le temps ou ne proposer de nouveaux groupes en moyenne section qu’une année sur deux… Notre évaluation nous ayant fait prendre conscience de l’importance du suivi dans la durée, c’est la première solution que nous privilégions, en argumentant par ailleurs sur l’importance d’augmenter les moyens humains.
6. Conclusion
On peut considérer que cette action favorisant des rencontres régulières entre enseignants et orthophonistes a permis des croisements de regards et de compétences qui aident les enfants en difficulté et les professionnels à se situer chacun dans la spécificité et la complémentarité de leurs rôles. Ceux qui s'investissent dans cette action bénéficient de ce travail de formation continue et sont prêts à apporter précocement à l’école les aides permettant aux enfants en difficulté de combler en partie leur retard.
On constate un effet « boule de neige » qui fait que l'action se développe de façon importante dans la région Nord. A ce jour, 23 circonscriptions du Nord sont concernées, avec 84 écoles participantes, 345 professionnels formés dont 190 enseignants, 75 membres de RASED, médecins scolaires et de PMI, 50 orthophonistes et 30 étudiants en orthophonie.
L’action concerne désormais 1300 élèves directement impliqués dans les séances de stimulation langagière et 5400 élèves concernés par la présence de l’action dans ces écoles.
Il est indispensable, pour que l'action garde l'ampleur de son impact, que les IEN de chaque circonscription concernée soutiennent activement le projet et donnent les moyens aux enseignants de poursuivre ce dispositif qui, comme tout dispositif complexe, mobilise du temps et de l'énergie.
Il est aussi nécessaire que des budgets continuent d'être attribués afin de permettre de rétribuer les orthophonistes engagés dans cette action de prévention.
La formation vise actuellement les circonscriptions déjà inscrites dans l'action afin de poursuivre la formation des professionnels nouvellement engagés et pérenniser le dispositif tout en lui permettant de s'étendre.
Chaque année, des axes de réflexion issus du travail de terrain et des besoins qui se font ressentir amènent la création de nouveaux outils et la mutualisation de pratiques professionnelles.
C'est à l'école maternelle que les enfants "fragiles" peuvent être aidés dans leur développement langagier, qu'une action de prévention menée en pluridisciplinarité, en partenariat avec les familles permet de limiter les difficultés scolaires ultérieures, d'éviter que certains retards ne se structurent en troubles, requérant alors des aides rééducatives souvent lourdes et onéreuses.
Une des difficultés actuelles est de poser le plus précocément possible un diagnostic différentiel visant à orienter rapidement les enfants qui en relèvent, et seulement ceux-là, vers les bilans et rééducations jugés utiles, et à apporter à l'école une pédagogie différenciée permettant aux enfants carencés de trouver le matériau linguistique nécessaire à la construction de leur langage.
Tout enfant en difficulté a droit aux aides qui lui correspondent. Cibler ces aides requiert la création et le développement de partenariats entre tous les professionnels concernés par cet enfant.
7. Bibliographie
CRUNELLE D. - DUBUS A. - DUBUS M-C. - LICOUR G. - GODON M-C. (2003) "Rapport d’étape d’une recherche action : Dépistage et suivi d'enfants à risques de difficultés scolaires dès 3 ans 10 mois". Recherches n° 38, 105-137
LANG J., KOUCHNER B. (2001), “Mise en oeuvre d'un plan d'action pour les enfants ayant un trouble du langage“, discours ministériel, internet : www.education.gouv.fr.
LE NORMAND M-T. (1995), « Modèles Psycholinguistiques du développement du langage » in CHEVRIE -MULLER C. et NARBONA J. (Eds), Le Langage de l’enfant, aspects normaux et pathologiques, 27-42 Paris, Masson.
RINGARD J-C (2000), A propos de l'enfant dysphasique et de l'enfant dyslexique, rapport ministériel, internet : www.education.gouv.fr/rapport/ringard/som.htm
XXX article Ecla : CNEFEI
PER 2000 Pierre Ferrand