Texte d'ouverture des assises
L'illettrisme est une réalité que l'on ne peut ignorer. Lors de sa visite au salon du livre le 29 mars 2010, Monsieur le ministre de l'éducation nationale a abordé de façon centrale ce problème dans les termes suivants : "Une question se pose : peut-on évoquer le plaisir du texte, le goût de la lecture sans se préoccuper de celles et de ceux qui en sont privés ? Je ne le crois pas. Et je pense au contraire qu'il faut saisir ce moment, profiter de ce lieu pour affronter avec lucidité la douloureuse question de l'illettrisme en France et réfléchir ensemble aux moyens à mobiliser pour combattre ce fléau" avant de présenter un plan pour prévenir l'illettrisme et susciter le goût de la lecture. Un plan qui nécessite une implication de tous les acteurs au niveau national, académique et local.
C'est en 1981 que le terme "illettrisme" est créé par la Fondation ATD Quart Monde. L'illettrisme, d'après la définition de l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme, qualifie la situation de personnes de plus de 16 ans qui, bien qu'ayant été scolarisées, ne parviennent pas à lire et comprendre un texte portant sur des situations de leur vie quotidienne et/ou ne parviennent pas à écrire pour transmettre des informations simples.
L'illettré est celui qui en quelque sorte n'a pas réussi ses apprentissages de base et n'a pas su développer des habitudes d'usage de l'écrit. Il a été pris dans le cercle vicieux de l'échec : malhabile dans les pratiques de lecture et d'écriture, il les a peu développées, perdant ainsi progressivement leur maîtrise et leur goût.
Les chiffres évaluant le nombre d'illettrés en France nous interpellent : 3 100 000 personnes sont en situation d'illettrisme, soit 9 % de la population âgée de 18 à 65 ans. De même, d'après la Direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO), les tests de la Journée d'appel de préparation à la Défense (JAPD) révèlent au niveau national 79,8 % de lecteurs efficaces dont 9,6% ont des acquis fragiles et 10,6 % des difficultés de lecture.
Dans la région Nord-Pas-de-Calais, c'est 15,5 % de la population qui est en situation d'illettrisme. Le nombre de jeunes en difficulté de lecture dépasse 12 %, comme en Champagne Ardenne et Picardie, et parmi eux environ 7,5 % éprouvent de sévères difficultés.
Les résultats des épreuves de français aux évaluations CM2 de 2010 dans l'académie de Lille montrent des difficultés face à l'écrit dès le niveau du primaire et des différences de niveaux très marquées selon les établissements.
Face à ces données, l'académie de Lille doit porter une attention toute particulière envers cette population scolaire car les difficultés qu'elle rencontre dans ses apprentissages semblent la condamner aux problèmes personnels, professionnels et sociaux.
"Lire, écrire, compter" constituent de tout temps le cœur des missions de l'Ecole. Depuis de nombreuses années, le système éducatif élabore des projets, des actions afin de donner aux jeunes le goût des apprentissages fondamentaux.
C'est d'ailleurs l'une des priorités du socle commun de connaissances et de compétences mis en place par la loi sur l'avenir de l'école du 23 avril 2005. L'objectif de faire accéder tous les élèves à la maîtrise de la langue française, à l'expression précise et claire à l'oral comme à l'écrit relève au collège non seulement de l'enseignement du français, mais aussi de toutes les disciplines.
De nombreuses actions existent déjà au niveau national et déclinées au niveau académique, mais des initiatives propres à l'académie de Lille témoignent du souci des cadres et des enseignants de construire des actions spécifiques pour répondre aux besoins des élèves.
En ce qui concerne l'école maternelle, la lutte contre l'illettrisme nous a amenés à créer des "classes passerelles", des "classes multi-âges", des groupes de simulation langagière et à établir un programme départemental "Dépistage – Prévention – Langage" (DPL3) dans le Pas-de-Calais.
L'école élémentaire s'attache plus particulièrement à ce que toutes les disciplines prennent en compte la compétence 1 du Socle commun de connaissances et de compétences "la maîtrise de la langue française" et mettent en œuvre les programmes de la réforme 2008 qui fixent la priorité au langage oral, au vocabulaire et à la syntaxe. Des aides personnalisées, des stages de remise à niveau, de l'accompagnement éducatif sont proposés dans toutes nos écoles.
Toutes ces priorités se poursuivent en collège et en lycée grâce au formidable travail qu'effectue au quotidien le personnel éducatif.
Parallèlement, l'académie de Lille a élaboré le Protocole d'identification de l'aménagement pédagogique correspondant à un élève en difficulté à l'écrit et de l'aménagement d'examen si un diagnostic de dyslexie-dysorthographie invalidant est confirmé (PIAPEDE).
Toutes ces actions s'inscrivent dans le cadre du plan régional stratégique de prévention et de lutte contre l'illettrisme 2008-2012, intitulé plan L.E.A. – Lire-Ecrire-Agir- qui a été signé entre le Rectorat de l'académie de Lille, le Conseil régional Nord Pas-de-Calais et le Préfet de notre région.
Pour aller plus loin, Monsieur le ministre de l'éducation nationale a confié aux Recteurs le soin de construire un programme d'action qui prévoit la mobilisation des cadres, la formation des enseignants, le développement d'actions partenariales. Les actions doivent s'organiser dans deux directions. La première s'attache à la prévention de l'illettrisme : il convient de conforter le rôle de l'école maternelle, le rôle de l'école obligatoire et de garantir un parcours personnalisé à tous les élèves qui en ont besoin. La seconde consiste en la prise en charge des jeunes et des adultes en situation d'illettrisme repérés lors de la Journée défense et citoyenneté.
Afin d'agir ensemble dans cette lutte contre l'illettrisme, l'académie de Lille envisage à l'avenir de renforcer la formation des professeurs des écoles, collèges et des lycées sur le thème de la prévention de l'illettrisme, de soutenir l'innovation, les démarches expérimentales dans ce domaine, d'accompagner le travail des cadres et des enseignants et de recenser tous les acteurs de l'académie qui contribuent à prévenir ce fléau pour multiplier entre eux les échanges et leur permettre de travailler dans une complémentarité efficace.
Le partenariat est une des clés de la réussite. C'est par le partenariat dans la durée avec tous les acteurs mobilisés sur le problème de l'illettrisme, par la complémentarité des mesures prises et la pérennité des actions entreprises, la diffusion des bonnes pratiques et leur mutualisation que l'on a quelques chances de progresser.
Les Assises de lutte contre l'illettrisme ont pour objectifs de mieux identifier le phénomène et de mieux le faire connaître, mobiliser les cadres pour contribuer à la réflexion et à l'action, renforcer la formation sous ses divers aspects et développer les actions partenariales.
Je remercie tous les acteurs de l'Education Nationale qui s'impliquent dans cette lutte et s'impliqueront davantage encore demain. Mes remerciements s'adressent également à ceux qui ont organisé cette journée.